mardi 22 mars 2011

La première fois: montre-moi ton pouce..

Les «observateurs électoraux» observent, Croix-des-Bouquets.
C'est ma première fois. Oui, oui, ma première fois. Enfin, qu'on se comprenne, la première fois que j'ai la chance d'observer un processus électoral dans un autre pays que le mien — enfin, les miens, mais c'est une histoire compliquée que celle du Québec dans le Canada et ce n'est pas ce dont il est question ici... (pour une fois)!

Le processus électoral, depuis un mois que je suis en Ayiti — mais depuis bien plus longtemps avant mon arrivée — domine les bulletins de nouvelles, les conversations et alimente la rumeur amplement.  L'ancien président et mari de Mirlande Manigat, Leslie Manigat, a ainsi été considéré comme malade/à l'article de la mort/mort jusqu'à ce qu'il se présente aux urnes dimanche. Le fantôme de Jean-Bertrand Aristide est arrivé en Ayiti bien avant lui. Et Wyclef Jean s'est bien fait tirer dessus, mais il n'aurait qu'une petite éraflure à la main droite et le mystère demeure[ra] entier quant à qui a bien pu perpétrer une chose pareille, le principal intéressé ayant refusé tout témoignage — à la police, entre autres...

Normal, ici, du quotidien. On apprend en très bas âge à laisser planer le doute à son avantage ou à s'exprimer haut et fort sur les bonnes tribunes en guise de démenti.

C'est aussi un pays où l'on ne cause jamais température puisqu'il fait toujours beau. On ne cause pas non plus de la misère, puisqu'on les vit et qu'on la voit sans qu'on ne la vote jamais, à tous les coins de rue. Alors il faut bien trouver de quoi alimenter les conversations de tous les jours...

Tout ça pour dire que tous les Ayisiens, processus électoral en cours ou non, ont une opinion sur la chose politique. Des analyses fines aux raccourcis les plus abjects, tous les styles sont représentés dans le spectre de l'opinion publique. Brandissez un micro dans la rue ou baladez-vous avec une caméra-photo moyennement sophistiquée et l'on vous arrêtera pour vous demander: «Ou jounalis?», le prends-moi en photo dans les yeux et la langue qui n'attend que le point d'interrogation pour se délier (on reste poli, tout de même!). Au chapitre de la faconde, les Ayisiens sont en fait plutôt doués, un grand nombre d'entre eux étant des tribuns assez captivants.


Mais malgré le fait que tous les Ayisiens aient une idée arrêtée sur la chose et qu'ils soient capables de l'exprimer de façon assez claire et imagée, avec juste ce qu'il faut d'intensité pour être considérés comme de bons orateurs, ce qui demeure pour moi difficile à comprendre, c'est le calme plat qui a caractérisé la journée historique du dimanche 20 mars. Pratiquement aucune voiture dans les rues alors que les embouteillages et les klaxons sont la norme. Des gens tirés du lit très tôt — et à quatre épingles s'il-vous-plaît — pour aller à l'Église plutôt que pour exercer leur droit civique. Bien sûr, il y avait bien quelques fidèles pour se rendre aux urnes. Mais pas d'embouteillage de ce côté non plus: en cinq minutes, dans les bureaux où le matériel ne faisait pas défaut et où le processus n'a ainsi pas été retardé (il faut dire que certains bureaux n'ont ouvert que trois à quatre heures après les 6h AM prévues), on pouvait apposer une croix dans la case de son choix. Et le Conseil électoral provisoire s'est même enorgueilli, sans avancer de chiffres précis, de ce que les citoyens aient exercé leur droit de vote de façon plus marquée qu'au premier tour de novembre qui avait enregistré un anémique taux de participation de 22,87% — premier tour caractérisé par beaucoup plus de turbulence, toutefois.
Le pouce de Mika, après qu'elle eût déposé son bulletin de vote.


Bref, chien qui aboie ne mord pas tellement fort en Ayiti. Et bien que rien ne soit encore définitif, ce n'est pas la caravane qui est partie pour passer...

***
Voilà pourquoi j'ai demandé à tout le monde aujourd'hui de me montrer son pouce, marqué ou non de l'encre indélébile qui sert à éviter qu'on aille voter deux fois — ce que certains ont tout de même réussi à faire, semble-t-il. Montre-moi ton pouce, je te dirai qui tu es...

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