mardi 26 avril 2011

Osisko d'Ayiti

L'équipée du Lac Azueï et l'hôtel noyé.
[Téléportation] Le lac Osisko trône au centre de ma petite ville d’origine, Rouyn-Noranda, Québec, far west from Montreal. Son fond est tapissé de rejets miniers, témoins d’un passé industriel qu’il vaut mieux ne pas remuer.

Le lac n’est donc pas baignable — ses plages étaient cependant très fréquentées à une certaine époque. Toujours est-il qu’il fait partie de la vie de Rouyn-Noranda. On se promène sur ses berges l’été. On y patine l’hiver. On regarde le soleil se coucher sur lui entre les deux. On y pêchait jadis et on pèche probablement encore «su’l chemin de la dompe», comme dit Richard Desjardins, l’auteur-compositeur-interprète-poète de la place.

Jamais je ne mangerais un poisson sorti de là. Surtout depuis que ce lac de tête a des problèmes d’oxygénation en raison des algues qui le mangent de façon de plus en plus agressive. Depuis qu’on voit les poissons morts y flotter et empuantir la piste cyclable. Ça nous dérange, nous éco-citoyens, mais notre survie n’en dépend pas directement…

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[Retour en Ayiti] Les habitants de Thomazeau, petite localité située sur les rives du lac Azueï, eux, dépendent du plus grand lac du pays pour vivre. Le lac et le marché de Malpasse, où ils vendent le poisson qu’ils pêchent, sont les deux piliers de l’économie locale.

Or, à la veille de Noël 2010, les citoyens de Thomazeau ont retrouvé sans vie des centaines de tilapias et quelques tortues sur les berges de leur gagne-pain. Alertés, ils ont prévenu les autorités centrales, qui sont venues effectuer des tests. Ces tests ont révélé un déséquilibre des matières organiques dans l’écosystème aquifère.

L’alcalinité de l’eau du lac aurait augmenté en raison du calcaire présent dans les remblais destinés à freiner l’érosion des berges causée par le déboisement et à contenir les débordements de plus en plus fréquents du point d’eau — un hôtel jadis situé sur le bord de la plage a maintenant de l’eau jusqu’aux genoux…

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Quand je suis passée rendre visite au lac en fin de semaine, les choses avaient repris leur cours normal. Les mamans lavaient et séchaient les vêtements sur les rives, les papas faisaient peur aux poissons pour les diriger vers les filets de pêche qu’ils avaient tendus et les enfants pataugeaient tout nus dans cet Étang Saumâtre partagé avec la République dominicaine. Les «bassins populaires» du village étaient remplis d’eau et de monde. Les rizières étaient vertes, gorgées d’eau.

L’hôtel avait encore de l’eau jusqu’aux genoux, par contre. Et la route était inondée par tronçons. Comme pour rappeler à tout le monde que la nature pouvait reprendre ses droits à tout moment.

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[Dans la lune] On ne peut certainement pas dire Abitibi, Ayiti, même combat — et ce n’est pas le but. Mais il me semble que peu importe d’où ils viennent, qu’ils soient pauvres ou riches, riverains ou montagnards, insulaires ou continentaux, les humains sont bons pressuriser leur environnement. Et dire qu’il n’y a pas d’air dans l’espace…

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