dimanche 17 avril 2011

Jacmel la magnifique

J'dis ça, mais il fait noir... Nous avons heurté un peu de trafic à Carrefour, en sortant de Port-au-Prince. Une route bloquée. Des fatras qui brûlent. Personne pour les ramasser. De quoi protester... Dans la voiture, l'humeur était plus ou moins bon enfant. Jusqu'à la plage, qui a su remettre tout le monde sur la route du sourire.

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Sur la route de Jacmel, on croise Léogâne, épicentre de tout. De «goudou-goudou». De 2010. Une protubérance impressionnante traverse la route perpendiculairement, comme un «je me souviens» qui nous force à ralentir. À relent-tir. Un pays blessé. Ses habitants éplorés. Ils ont tous une histoire à raconter. Et ils le font volontiers — à ma grande surprise. À la lueur de la chandelle sous la tente. Ou dans leur maison secouée, mais debout. Des enfants perdus, des enfants retrouvés. Des morts, des vivants. Des debout, des claudiquant, des couchés pour toujours.. Des repères à repenser, des prières à repriser. Une courtepointe pour deux cent mille.

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Sur la route de Jacmel, on croise les Rara, ces marches populaires alliant chant, danse et vaudou. Les Rara sont des fêtes pascales, s'échelonnant du Mercredi des cendres jusqu'au week-end de Pâques — mais pas exclusivement. De plus en plus politisées depuis le populisme aristidien des années '90, les Rara servent aussi à exprimer le trop-plein. Leurs mots sont durs. Remplis de revendications. D'injustices dansées, chantées et criées haut et fort. Devant les lieux de culte. Syncrétisme politique à bouche-que-veux-tu.

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Sur la route de Jacmel, on se demande un moment si on attache sa tuque ou ses bottines — route en lacet oblige. Parcourant la chaîne de montagnes de La Selle, on attache finalement rien. Sinon ses yeux aux plis rocheux, tantôt rouges, tantôt beiges, tantôt verts. Mais toujours clairsemés d'arbres chétifs qui n'ont pas le temps de demander à vivre. De tentes improvisées marquées au fer rouge, bleu et blanc de l'USAID, de l'UNICEF, de Good Samaritains, et consorts, aussi. Et quand on voit l'autobus endormi au creux de l'un de ces plis, on se dit qu'on aurait dû attacher plus de choses dans la vie. Mais à quoi bon? On se contente de sa ceinture de sécurité.

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Sur la route de Jacmel, on ne panse rien mais on pense.


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