lundi 4 avril 2011

La ville en rose

AP Photo/Ramon Espinosa
Je suis probablement la dernière à l'annoncer! Michel Martelly, 50 ans, toutes ses dents (non, j'ai pas vérifié), et une garde-robe dominée par le rose, sera le prochain président de la Repiblik Ayiti. Les médias internationaux — Miami Herald, The New York Times, Le Monde, El País, pour ne nommer que ceux-là —, alimentés par une dépêche de Reuters nourrie par une fuite anonyme au sein du Conseil électoral provisoire (CEP), ont même devancé l'annonce des résultats officiels au pays.

Nos médias nationaux ont également retransmis la nouvelle au conditionnel, avant que le représentant officiel du CEP n'énumère tous les députés, sénateurs et le président élus. Est-ce que c'est parce qu'elle a financé une bonne partie de ces élections que la communauté internationale se récompense par le scoop, l'exclusivité — qui par mimétisme n'en sont même plus? Qu'est-ce qui pressait tant que ça dans cette annonce? Quand il y en a un qui parle, ils se mettent tous à jacasser... Comme un Twitter formel! Cela donne cependant une idée de la marge de manoeuvre réelle du futur président, dont l'entrée en fonction est prévue pour le 14 mai — je ne sais pas si René Préval est au courant, mais sur Wikipedia, «Sweet Micky» est déjà président!

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À la minute où le porte-parole officiel du CEP a terminé sa phrase — quelque chose comme : Michel Martelly, Repons Peyizan, 67,57% des votes, Mirlande Hippolyte Manigat, RDNP 31,74 % des voix — les portauprinciens ont pris d'assaut les rues, pour crier victoire et prendre le pouls de la vibrante capitale. Cris de joie, klaxons, affichettes de Martelly, Prestige à la main, ils sont sortis avec leur large sourire, leurs slogans et leurs chansons. Les plus zélés ont même tiré dans les airs. Pendant au moins trois minutes, les manifestations sonores de la foule en liesse ont été ininterrompues dans toute la ville..

Et elles se poursuivent actuellement par secteurs. Les partisans, en majorité des jeunes hommes, après avoir lancé quelques feux d'artifice, ont entrepris d'aller rencontrer le futur président jusqu'à sa résidence de Peguy-Ville. Ils sont partis de Pétion-Ville, même du Champ-de-Mars (où se trouve le Palais national écrasé sur lui-même, juste devant un énorme camp de tentes), comme un essaim d'abeilles, pour aller témoigner leur soutien et surtout leur joie à LEUR président. La distance ne compte pas quand il est temps de prouver son amour en rose!

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Télé Métropole rapportait en soirée qu'il y a eu quelques incidents isolés impliquant des gaz lacrymogènes. Le candidat défait de Pétion-Ville, Dieudonné L'Hérisson, s'est également plaint de ce que son bureau de campagne ait été la cible de jets de pierres, de coups de feu et de bris matériels. L'ambiance est cependant généralement bon enfant pour l'instant, et s'étend à tout le pays. Rien de comparable avec ce qui avait été imaginé de pire dans le scénario d'une Mirlande Manigat sortie gagnante... 

Frederick Alexis, Le Nouvelliste
Selon les rumeurs, le caoutchouc aurait alors brûlé d'un bout à l'autre du pays. Les commerces de Pétion-Ville s'étaient barricadés par précaution, les gens avaient fait des provisions pour quelques jours et les casques bleus des Nations unies, la Police nationale d'Haïti et consorts étaient prêts à agir.

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La rue et la jeunesse ont maintenant leur président. Reste à voir si l'ancien chanteur de charme, qui a mené campagne sur le rejet de la classe intellectuelle habituée au pouvoir, saura renoncer aux tentations et au privilèges pour travailler directement dans l'intérêt de son électorat. Nul besoin de rappeler que les défis sont considérables et que Martelly ne pourra y arriver seul, contrairement à ce qu'il disait hier, un brin mégalomane, sur son site web après l'annonce de sa victoire : «Ce ne sera pas facile mais avoir un leader qui est aimé, adulé, en qui le peuple a confiance, ça aidera déjà beaucoup.» Voilà qui commence bien..

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