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mardi 31 janvier 2012

Un Duvalier vaudrait mieux que deux tu l'auras...

JC Duvalier et sa femme, Véronique Roy, devant le
Palais de justice dePort-au-Prince, le 20 janvier dernier.
(Photo: Thony Bélizaire/AFP)
«Moi je l’aime Duvalier. Quand il était là, au moins, le pays avançait. Depuis qu’il est parti, il n’a cessé de dégringoler. J’étais content qu’il revienne au pays.» — Quelqu’un qui avait six ans quand Baby Doc a été renversé et qu’il est parti en exil avec des millions de dollars volés aux contribuables haïtiens… 

*** 

Ils étaient deux à officiellement travailler sur le dossier Duvalier pour le compte du gouvernement haïtien — un juge d’instruction et un procurer étaient en charge de l’affaire au moment de publier Haïti, un rendez-vous avec l’Histoire : les poursuites contre Jean-Claude Duvalier, rapport soumis par l’organisation Human Rights Watch (HRW), fin avril 2011. L’un d’eux, le juge d’instruction Carvès Jean, fait actuellement les manchettes internationales.. pour les mauvaises raisons. 

Ce dernier vient de publier une ordronnance devant renvoyer l’ex-dictateur devant un tribunal correctionnel afin qu’il soit jugé pour des accusations de vol et de détournement de fonds publics, au grand dam des militants nationaux et internationaux pour le respect des droits humains qui réclament que ce dernier soit traduit selon les règles du droit international pour «crimes contre l’humanité». 

«Impunité et anarchie : il n’y a pas d’autres noms qu’on peut donner à cela», critique la Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH), estimant que la dite ordonnance équivaut à blanchir Jean-Claude Duvalier, l’un des plus grands criminels qu’Haïti ait connus, selon les propos recueillis par l’agence en ligne AlterPresse

C’est «une gifle donnée à la justice haïtienne et aux victimes», poursuit la POHDH, outrée que ces chefs retenus contre Duvalier ne soient qu’accessoires en regard des accusations portées contre lui lors de son retour sous le soleil, après 25 années d’exil en France, le 17 janvier 2011. Des accusations pour violations des droits humains ont depuis été déposées par plus d'une vingtaine de personnes. 

La journaliste Michèle Montas, déportée avec son célèbre mari Jean Dominique en 1980, — lui-même assassiné en 2000 dans des circonstances encore nébuleuses dans la cour de la radio où il travaillait — sous le règne duvaliériste pour ses opinions et son activisme politiques, fait partie du lot des plaignants. «À la fin des années 1980, il y a eu des rafles généralisées chez les militants des droits de l’Homme et les journalistes. Des personnes ont été torturées, ils ont pris tout ce qui bougeait. Et Radio Haïti-Inter a été détruite», rappelait-elle récemment à France 24

Plusieurs activistes internationaux font également pression pour que soit jugé Duvalier selon les règles du droit international. Les violations des droits de l’homme, malgré ce que prétendent les six ou sept (!) avocats de Duvalier, ont effectivement été condensés dans plusieurs rapports d’organisations non gouvernementales de la sphère juridique, dont le rapport de Human Rights Watch cité plus haut et On ne peut pas tuer la vérité : Le dossier Jean-Claude Duvalier d’Amnistie internationale, publié en septembre 2011 au lendemain de la journée internationale de la paix. 

Arrestations arbitraires, détentions prolongées en secret sans inculpation ni jugement, tortures, disparitions forcées, expulsions et exécutions extrajudiciaires (je vous épargne les détails des témoignages recueillis) : la liste est longue et le principal intéressé ne peut pratiquement pas ne pas avoir été au courant de ces crimes en regard du droit international — assimilés comme tel depuis la Deuxième Guerre mondiale. 

Si les avocats de Duvalier crient haut et fort — peut-être dans le but de prendre au jeu quelques non-initiés qui avaient encore la couche aux fesses lors de la chute du [lui-même] Baby Doc ou encore ces nationalistes crasses qui ne jurent que par la défense des intérêts nationaux forcément diamétralement opposés à ceux de la communauté internationale — que la prescription ne s’appliquent plus dans le Code pénal haïtien, Amnistie, elle, plaide que «ces crimes sont si graves qu’ils concernent non seulement les victimes, les survivants ou l’État [haïtien], mais aussi l’humanité tout entière». Ils seraient, toujours selon Amnistie, de «compétence universelle, ce qui signifie que tout État peut ouvrir une enquête et engager des poursuites contre des individus soupçonnés de crimes contre l’humanité»

Au sujet de la prescription — concept juridique selon lequel un crime ne peut être jugé après un délai fixé par les règles de droits internes, 10 ans dans le cas du Code pénal haïtien —, les deux organisations citées plus haut, de même que de nombreuses associations haïtiennes s’entendent pour dire que les normes impératives du droit international (le jus cogens, à pompément parler ; merci à Me Vallières pour ses leçons de latin en particulier et pour ses leçons de droit international accessoirement) ont préséance sur toute autre obstacle juridique interne au sujet des crimes contre l’humanité. De plus, le caractère continu — à quel moment une «disparition» peut-elle cesser d'être considérée comme un crime? — et systémique des crimes rendrait imprescriptibles les actes dont il est ici question.

*** 

Pour des raisons multiples, il apparaît cependant évident que le système judiciaire haïtien ne pourra prendre seul la responsabilité de mener un tel dossier jusqu’au bout — en termes de ressources humaines ayant l’expertise nécessaire, en termes de sécurité pour ces personnes, en termes d’accès aux ressources nécessaires, en termes de volonté politique, etc. 

Et sur ce dernier point, même s’il a fait de l’État de droit l’une de ses priorités, le président Martelly continue d’envoyer des messages contradictoires sur les scènes politiques intérieures et extérieures en ce qui a trait à l’impunité en général et à Duvalier en particulier (il a notamment invité Baby Doc à une cérémonie officielle, le 12 janvier dernier, à Ti Tanyen, en «banlieue» nord de Port-au-Prince, là où sont enterrés des milliers de victimes du séisme et là où resposeraient ironiquement des centaines de «disparus» de l’époque Duvalier). En outre, le président Martelly se défendait la semaine dernière en Irlande d’avoir été «mal interprété» par l’Associated Press sur ses intentions de pardon à l’endroit de Duvalier… [Peut-être ses conseillers politiques lui ont-ils souligné qu'il s'inscrirait ainsi en faux avec les prescrits de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme, et donc de l'Organisation des États américains dont son pays assume cette année la présidence?!]

«S’il existe des éléments de preuves recevables suffisants et si le parquet réussit à traduire Jean-Claude Duvalier en justice, une étape considérable sera accomplie dans la lutte contre l’impunité au niveau mondial. À cet égard, la communauté internationale partage la responsabilité de veiller à ce que justice soit rendue», estime Amnistie internationale. 

Pourquoi ne pas commencer par la France, berceau des Droits de l’homme s’il en est, et pays engagé dans une si longue lutte à finir avec Haïti, en plus d’avoir «hébergé» l’ex pendant ses 25 années d’exil..?

mercredi 19 octobre 2011

Du ciment social...

Michel Martelly et Muhammed Yunus. 
 
Le prix Nobel de la paix et père du microcrédit, Muhammed Yunus était en ville la semaine dernière. Il s'est entretenu jeudi avec le président Martelly, avec qui il collabore au Conseil consultatif présidentiel pour l’investissement (CCPI), lancé officiellement le mardi 20 septembre lors de la visite présidentielle de Martelly à New York dans le cadre de la 66e Assemblée générale des Nations unies.

Le «banquier des pauvres» est venu en Ayiti présenter son concept de «social-business», ce pied de nez à l'ordre néolibéral qui instrumentalise l'économique pour faire du social. Et pas dans le sens de 5 à 7, messieurs, dames. Dans le monde de Yunus, le profit n'est ni sonnant, ni trébuchant, ni bling bling. Il est plutôt progrès, réponse à des problèmes sociaux en apparence insolubles. Comme la malnutrition et le chômage dans son Bangladesh natal. Ou comme la déforestation et le chômage ici même en Ayiti.

«Il y a le monde des affaires. Il y a le monde des œuvres de bienfaisance. Pourquoi ne pas prendre ces deux idées et essayer de faire de l'argent tout en résolvant des problèmes sociaux?», a demandé celui qui s'est joint à la multinationale française Danone pour élaborer un yogourt riche en micro-nutriments destiné à nourrir les enfants malnutris du Bangladesh tout en fournissant des opportunités d'emploi à leurs parents via la construction et l'exploitation sur place d'usines alimentées à l'énergie solaire et au biogaz.

La lutte de Yunus contre l'ordre établi n'a cependant pas toujours été facile. Celui qui a vérifié empiriquement sa théorie sur le microcrédit en prêtant 27 dollars à 42 personnes en 1977 et qui a, après cette expérience concluante, fondé la Grameen Bank en 1983, a récemment été écarté du conseil d'administration de cette dernière. Il avait dépassé l'âge légal de la retraite — 60 ans — selon les lois bengladaises, perdant ainsi le privilège d'administrer une entreprise publique. Refusant de céder et plaidant une «attaque personnelle» des autorités destinée à mâter son ambition politique de fonder un parti pour dénoncer l'intéressement indécent des dirigeants pour «l'argent et le pouvoir», Yunus a finalement été débouté par la Cour suprême en mai dernier. Il a été remplacé par son adjoint, Nurjahan Begum.

Stanley Pierre, un étudiant de 25 ans fréquentant le laboratoire informatique financé par le Grameen Creative Lab, une fondation qui octroie des prêts pour financer des entreprises sociales et qui a ouvert un bureau en Ayiti après le séisme du 12 janvier, à qui Yunus proposait de devenir un créateur d'emplois plutôt que d'en chercher un, a relancé le principal intéressé : «C'est impossible pour un jeune entrepreneur de faire du social-business en Ayiti. C'est seulement quand nos affaires connaîtront un réel succès et quand nous nous serons occupés de nos familles que nous pourrons songer à venir en aide à la communauté», a-t-il dit, pessimiste.

En effet. Avant de penser fonder le «social-business» en Ayiti, il faudrait peut-être cimenter le «social» tout-court...

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Font également partie du CCPI [sans nécessairement verser dans le «social-business»] :

L’entrepreneur et star du hip-hop, Wyclef Jean,
L’ex-Premier Ministre de la Jamaique, Perival James Patterson,
Le PDG de la Digicel, Denis O’brien,
Le Maire de Montréal, Gerald Tremblay,
L’envoyée spéciale de l'UNESCO pour Haïti, Mme Michaelle Jean,
L’ex Président de la Colombie, Alvarez Uribe Velez,
L'ex Président des États-Unis, Bill Clinton,
Le Conseiller Principal du Président, et co-Président du Conseil M. Laurent Lamothe

jeudi 13 octobre 2011

Avoir un gouvernement...

Le premier ministre Gary Conille en est presqu'officiellement un. Il a présenté aujourd'hui son cabinet ministériel et sa politique générale au Sénat.. qui lui posera des questions sur ces contenus toute la nuit avant de voter officiellement pour ou contre l'orientation qu'il souhaite donner au gouvernement. Après quoi viendra, si Dieu le veut, le tour de la Chambre de parlementaires.

Les propositions du Dr Conille, qui a difficilement été ratifié par le vote technique de la semaine dernière au Grand corps [malade] (17 pour, 3 contres et 9 abstentions) après avoir joui de l'unanimité à la Chambre basse, sont en effet encore à cette heure débattues.

Cinq mois de jeux de coulisse et de joutes oratoires après l'assermentation du président Martelly, le gouvernement ressemblerait donc à cette liste, que je me permets de reproduire, même si elle n'est qu'officieusement officielle, et non encore publiée dans Le Moniteur, l'organe officiel du gouvernement s'il en est et dont les textes ont, semble-t-il, «force» de loi :
  • Thierry Mayard-Paul : Ministres de l’Intérieur, des Collectivités territoriales et de la défense (chef du cabinet Martelly)
  • Laurent Lamothe : Ministre des Affaires étrangères et des Cultes (équipe Martelly)
  • Lemercier George : Ministre de l’Économie et des Finances
  • Wilson Laleau : Ministre du Commerce et de l’Industrie (équipe Martelly)
  • Florence D. Guillaume : Ministre de la Santé publique (proche de la première dame)
  • Josué Pierre-Louis : Ministre de la Justice (équipe Martelly)
  • Réginald Paul : Ministre de l’Éducation nationale
  • Hébert Docteur : Ministre de l’Agriculture
  • Jacques Rousseau : Ministre des Travaux publics et de l’Energie
  • Stéphanie Villedrouin : Ministre du tourisme
  • Joseph Ronald Toussaint : Ministre de l’Environnement (choix INITE)
  • François Michel Lafaille : Ministre des Affaires sociales (choix du G16)
  • Yanick Mezil : Ministre à la Condition féminine
  • René Jean Robert : Ministre de la Jeunesse et des sports (choix AAA)
  • Choiseul Henriquez : Ministre de la Culture (choix INITE)
  • Ralph Ricardo Théano : Chargé des Relations avec Parlement (équipe Martelly)
  • Garry Conille : Ministre de la Planification
Il est à noter que tous les ministères opérationnels sous l'administration précédente sont conservés. Et que le Dr Conille cumulerait les postes de Premier ministre et de Ministre de la planification et de la coopération externe.

Pour ce qui est de la politique générale, si on en a la patience, il est possible de lire le document de 93 — ou 97 pages, ce n'est pas clair! — en quatre parties publiées sur le site Haïti libre ici, ici, ici, et ici.

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Le bouillant sénateur Steven Benoît vient de lâcher le micro après une prestation toute en gesticulations et en cris — mais en Créole. La parole revient maintenant à Gary Conille, qui prend des notes pour répondre aux sénateurs qui se présentent par à-coups de trois à la suite. Belle occasion pour aller dormir...

On vous tient au courant demain...

Le malaise des belles-mères

Martelly et «Titid», après une rencontre de 4h à la résidence de l'«ex»
Le président Martelly effectue ces derniers jours, tout sourire et «tèt kale», une tournée des anciens dirigeants du pays à l'occasion, dit-il, de la «semaine de la réconciliation nationale». Parmi les huit «ex» encore vivants et résidant au pays, deux noms retiennent incongrument l'attention : Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier et Jean-Bertrand Aristide, tous deux rentrés d'exil cette année.

Le premier est revenu en Ayiti un an et quelques jours après le séisme du 12 janvier 2010, profitant de la horde de journalistes internationaux venus dans l'île pour briser 25 ans d'exil forcé en France. Des poursuites judiciaires pour détournement de fonds et violation des droits de la personne ont été déposées contre lui peu après son retour. Ces poursuites, qui le contraignent théoriquement à résidence, n'entachent toutefois [et étrangement] pas trop sa popularité. Des manifestants — qu'on peut facilement imaginer avoir été encouragés par d'autres incitatifs — et les avocats qui le représentent, sont récemment venus perturber la conférence de presse organisée pour la diffusion du rapport «On ne peut pas tuer la vérité», d'Amnesty International.

«Titid», quant à lui, est rentré d'un séjour forcé de sept ans en Afrique du Sud, deux jours avant le deuxième tour des élections du 20 mars dernier. Il avait été renversé par un coup d'État [auquel aurait été affilié Michel Martelly, alors roi du carnaval] une première fois en 1991, puis une deuxième et [alors] définitive fois en 2004, à la faveur d'une rébellion d'anciens membres de l'armée. Discret depuis son retour au pays, il vient toutefois d'inaugurer la réouverture de l'Université de la Fondation Aristide, fermée lors de son départ forcé en 2004, avec l'admission d'une cohorte de 126 étudiants en faculté de médecine — non encore reconnue par l'État haïtien. Plusieurs analystes estiment que l'ancien leader, et «secrétaire général à vie» du parti Lavalas, attend le dégonflement du phénomène Martelly avant d'effectuer un retour à l'avant-scène politique — peut-être à l'occasion des élections sénatoriales de novembre...

«Je souhaite que les leaders anciens et actuels puissent s’unir en vue de travailler au progrès d’Haïti», a martelé Martelly à Radio Kiskeya, lors d'une visite à la résidence de Prosper Avril (président dans l'intervalle 1988-1990), dont il a salué le passage à la tête de l’État et les longues années passées au service de l’armée. Le chef d'État doit également rencontrer les «ex» René Préval (1996-2001 et 2006-2011), [le mari de la rivale de Martelly aux dernières élections, Mirlande Manigat] Leslie Manigat (fév-juin 1988) et Boniface Alexandre (chef du gouvernement intérimaire de 2004-2006).

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Martelly et Duvalier. À gauche, Nico Duvalier, le fils
de «Baby Doc» et consultant du président. Photo: AP
Admettons que l'exercice de mémoire soit compliqué dans un pays où l'espérance de vie est de 59 ans et où presque 36% de la population a moins de 15 ans. Admettons qu'une population vivant avec moins de deux dollars par jour dans une proportion de 78% et avec moins d'un dollar par jour à 54% ait d'autres chats à fouetter que de se questionner sur la rationalité de tisser des liens avec des «ex» ayant des bilans plus que mitigés en termes de développement.

Reste tout de même le message confus et contradictoire qu'envoie cette opération de relations publiques : comment un président qui a jusqu'à maintenant fondé sa stratégie — comme bon nombre de politiciens — sur l'avenir et sur le changement peut-il invoquer les fantômes d'un passé trouble et douloureux pour faire avancer le pays? Tout ça alors que le premier ministre désigné se débat comme un diable dans l'eau bénite avec les élus actuels pour pouvoir former son saint gouvernement?

Il faudrait peut-être quelqu'un pour rappeler au numéro un de l'État ayisien — ou de ce qu'il en reste — que sa «semaine de la réconciliation nationale» a commencé ce lundi par la Journée internationale de la santé mentale...

mercredi 21 septembre 2011

Le club des 28 what?

Une délégation ayisienne officielle de 28 personnes est à New York depuis dimanche dernier, où débutait hier (mardi) la 66e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU).

28! Pourquoi ne pas tourner le fer dans la plaie et pousser l’audace jusqu’à un chiffre rond, pendant qu’on y est! Du lot, le président Michel Martelly et sept membres de son cabinet — dont le premier ministre désigné et avalisé par la chambre des parlementaires, mais pas encore par le Sénat, Gary Conille —, mais aussi la première dame d’Ayiti, son fils Michel-Olivier (conseiller à la Jeunesse et aux Sports!), un photographe officiel, un vidéographe officiel, un directeur des communications et un directeur de la production — c’est que ça communique beaucoup, même si aucun représentant de la presse ayisienne n’est du voyage — quatre agents de sécurité, une intendante, une conseillère pour la première dame — il faut sourire, Mme Martelly, surtout, il faut sourire. Même si c’est à pleurer…

Bon, certains membres de la délégation (dont l’intégralité a été publiée dans Le Nouvelliste et par l’agence Haïti Press Network) se trouvaient déjà dans la grosse pomme — six, plus exactement, dont deux conseillers point, conseillers de rien du tout si on remplit ce vide que la nature a en horreur. Mais on peut quand même assez facilement imaginer que c’est l’État ayisien qui paie la facture des 28 — hébergement, nourriture et généreux per diem. Et l’Ayisien a une diète particulièrement salée… Ah, comme il fait bon être membre de l’entourage rapproché du président!

Il n’est pas ici question de discréditer qui que ce soit qui fasse partie de cette équipe d’élite. Plusieurs ont des compétences réelles qui mériteraient jusqu’à un certain point d’être récompensées. Vrai, Ayiti est à l’agenda new yorkais à plusieurs niveaux et à un certain degré technique : discussions lundi avec la Clinton Global Initiative et avec de nombreux et diversifiés acteurs financiers pour attirer l’investissement étranger au pays, renouvèlement du mandat de la CIRH et respect des engagements des donateurs internationaux pour la reconstruction, discours de Martelly à la Tribune des Nations, débats sur l’avenir de la MINUSTAH au Conseil de sécurité vendredi, etc.

Mais 28 — oui, je sais, je n’en reviens pas! Qu’est-ce que ça peut bien camoufler, sinon l’inexpérience démocratique du nouveau président, en poste depuis plus de quatre mois? On sait au moins que ça fera de belles photos de famille… Mais qui a dit que l’élection de Sweet Micky, «se viktwa pou pèp la» (c’est une victoire pour le peuple)?

mercredi 22 juin 2011

Des surpris et des hommes [politiques]

Le candidat au poste de Premier ministre désigné par le président Martelly, Daniel Gérard Rouzier, aura été la première victime du parti INITE — et par la bande, du Groupe des parlementaires pour le renouveau (GPR) —, majoritaire à la Chambre des députés et au Sénat. Et aussi le premier sacrifice humain à l'autel de la politique ayisienne depuis l'élection de celui qui a popularisé le rose.

Des 64 députés présents au vote, 42 ont voté en défaveur d'un PM Rouzier, 19 se sont prononcés pour  sa candidature et trois se sont abstenus. Évoquant tantôt des raisons d'ordre fiscal, tantôt la position de M. Rouzier à titre de consul honoraire de la Jamaïque, ou encore la conformité des documents d'identification soumis aux députés — ses passeports, notamment — la chambre basse réclame un autre candidat. Ils sont cependant plus d'un à croire que ce choix tranché est davantage motivé par des raisons politiques.

«Le résultat du vote prouve que les violons ne s'accordent pas entre le président Michel Martelly et la plateforme INITE, majoritaire dans les deux Assemblées. [...] Si Martelly a bien appris la leçon du vote de mardi, il va rapidement entreprendre les démarches nécessaires auprès du directoire de la plateforme INITE avant de choisir un nouveau Premier ministre», écrit Lemoine Bonneau dans l'éditorial du Nouvelliste au lendemain du vote, rappelant qu'avec une cinquantaine de députés tissés serrés au sein du GPR et 16 sénateurs à la Chambre haute, «la plateforme INITE est incontournable en ce qui a trait à la ratification du choix d'un Premier ministre ainsi qu'à l'approbation de la déclaration de [la] politique générale [de Martelly].»

Premier grand choc de la cohabitation, donc, venu piquer au vif cet hydre à têtes regénérescentes qu'est l'establishment gouvernemental ayisien — en particulier l'INITE par les temps qui courent à rebours — au grand dam d'un Michel Martelly passé au rouge pour l'occasion. «On ne perdra pas de temps. On cherche des solutions. Et mon équipe et moi ne laisserons pas le palais aujourd'hui sans trouver des solutions», a dit Martelly au Nouvelliste, ajoutant, entêté «qu'il ne perdra pas la bataille».
Coincé entre les attentes [élevées] d'un peuple qui vit dans des conditions misérables et qui l'a porté au pouvoir — avec deux gros coups de pouces des États-Unis et de la communauté internationale, il faut le souligner — et celles d'un parti INITE et de toute une classe politique bien plus soucieuse de ses propres intérêts que de ceux du peuple, Martelly, au pouvoir depuis presque 40 jours, devra éventuellement mettre le compromis à son agenda s'il veut pouvoir opérationnaliser son plan des 4E — emploi, éducation, environnement, état de droit...

Le principal intéressé dans ce dossier, Daniel Gérard Rouzier, demeure quant à lui philosophe, selon ses propos rapportés par le Nouvelliste. «J'apprends. C'est un cheminement,» a-t-il déclaré aux journalistes, émettant lui aussi des doutes quant à la nature «technique» de son rejet. «Il se pourrait que je ne corresponde pas au profil de Premier ministre que les députés voudraient voir travailler aux cotés du président», a-t-il nuancé, alimentant le flou sur son éventuelle implication au sein du gouvernement. Plusieurs voient d'ailleurs celui qui est «prêt à se sacrifier pour servir son pays», selon les propos du président Martelly, occuper un poste ministériel important...

Bras de fer politique [qui peut durer longtemps] à renouveler, donc. Pendant ce temps, le président Martelly, dans un message diffusé dans la soirée de mercredi, remercie la population «de ne pas être descendue dans les rues», brandissant la carte de la légitimité «démocratique» au visage des parlementaires et réitérant qu'il est temps que le changement promis prenne place, que la classe politique travaille dans l'intérêt de la population...

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«Lennie serra les doigts, se cramponna aux cheveux.
— Lâche-moi, cria-t-elle. Mais lâche-moi donc. Lennie était affolé. Son visage se contractait. Elle se mit à hurler et, de l'autre main, il lui couvrit la bouche et le nez.
— Non, j'vous en prie, supplia-t-il. Oh, j'vous en prie, ne faites pas ça. George se fâcherait.
Elle se débattait vigoureusement sous ses mains...
— Oh, je vous en prie, ne faites pas ça, supplia-t-il. George va dire que j'ai encore fait quelque chose de mal. Il m'laissera pas soigner les lapins.» — John Steinbeck, Des souris et des hommes

dimanche 19 juin 2011

La ruée vers l’or[dre]

Ils le savaient. Tôt ou tard, ils le savaient que ça allait venir, frémir, détruire… et reconstruire. Les officiels [ou officieux, c’est selon l’intérêt que l’on y trouve] ayisiens auraient dû le savoir aussi. Mais à quoi bon prévenir le peuple quand la manne permet de guérir le portefeuille des nantis et des bien positionnés? Pour des siècles et des siècles. Amène [le ca$h].
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«La ruée vers l’or commence», sous-titrait Kenneth Marten, ambassadeur des États-Unis en Ayiti, dans son rapport de 18h transmis à Washington quelque part entre la fin janvier et le début février 2010. Il voulait alors dire que «pendant qu’Haïti s’extirpe des décombres, différentes entreprises [des É.-U.] se positionnent pour vendre leurs concepts, produits et services», selon les fuites révélées cette semaine par l’hebdomadaire de la diaspora Haïti Liberté et obtenues des 1918 câbles diplomatiques remis par Wikileaks. « Le président Préval a rencontré le Général Wesley Clark, samedi [le 30 janvier], et a eu droit à une présentation de vente pour une maison à couche centrale en mousse résistante aux ouragans et aux séismes. »

Cet ancien candidat à la présidentielle américaine et ex-général des forces armées, le plus ou moins honorable Wesley Clark, dépendamment du côté de la frontière où l’on se trouve, agissait alors à titre de porte-parole pour InnoVida Holdings LLC, une entreprise de construction basée à Miami qui s’était engagée à «donner» 1000 maisons construites avec des panneaux en mousse pour les sans-abris ayisiens. Pour l’image, il était aussi accompagné de la star du basket Alonzo Mourning.

Une autre entreprise américaine de reprise après sinistre, «AshBritt a parlé à diverses institutions d’un plan national pour la reconstruction de tous les bâtiments du gouvernement», poursuit l’ambassadeur dans sa dépêche. «Et d’autres entreprises proposent leurs solutions de logements, d’aménagement de l’espace, ou d’autres concepts de construction. Chacune cherche à avoir l’oreille du président [Préval].»

Dans l’oreille de Préval, justement, le moustique insistant Lewis Lucke, coordonnateur de l’aide et des secours unifiés de Washington, chef d’orchestre des efforts d’aide américains en Ayiti. Avec plus de 27 ans d’expérience au sein de l’USAID — dont la supervision de plusieurs milliards de dollars de contrats pour la controversée Bechtel en Irak, où il était le directeur de la mission de l’USAID après l’invasion américaine —, Lucke aurait rencontré le président Préval et son Premier ministre Jean-Max Bellerive à au moins deux reprises dans les semaines consécutives au séisme du 12 janvier, d’après les informations coulées par Wikileaks.

Lewis Lucke, flairant la bonne affaire depuis sa position privilégiée, a démissionné de son poste de coordonnateur des secours pour Ayiti en avril 2010. « Il est devenu évident pour nous que si nous procédions comme il le faut, le séisme représentait autant une occasion qu’une calamité... Tellement de pots cassés, que nous avons là l’occasion de tout remettre en état, espérons-le, d’une meilleure manière et différemment,» avait-il alors déclaré à The Austin-American Statesman, un journal de sa ville natale. Mais avant de quitter ses fonctions, Lucke signe un contrat de 30 000$ avec AshBritt et son partenaire ayisien, CB Group — appartement apparemment à l’homme le plus riche d’Ayiti, Gilbert Biggio.

Fin 2010, Lucke intente une action en justice contre AshBritt et GB Group, réclamant près de 500 000$ et affirmant que ces compagnies « ne le payaient pas suffisamment pour ses services, dont celui d’intermédiaire pour mettre l'entrepreneur en contact avec des gens puissants et les aider à naviguer dans la bureaucratie gouvernementale », selon ses déclarations à l’agence Associated Press. Lucke avait aidé ces deux compagnies à obtenir des contrats de construction se chiffrant à plus de 20 millions de dollars…

Lucke travaille désormais pour le fournisseur de produits de maçonnerie MC Endeavors. Cette firme a récemment diffusé de nombreux communiqués de presse, encensant la déclaration du nouveau président ayisien Michel Martelly, qui a dit en anglais lors de son assermentation, le 14 mai dernier que «c’est une nouvelle Ayiti qui est désormais ouverte aux affaires».

Et Lucke ne se cache pas de faire fortune grâce au malheur des autres — une étude du Center for Economic and Policy Research révèle que seulement 2,5% des 200 millions de dollars distribués par l’USAID a été accordé à des entreprises ayisiennes. «C’est en quelque sorte la manière américaine», a-t-il confié à Haïti Liberté. « Vouloir faire des affaires ne signifie pas forcément que vous cherchez à être un rapace. Il n’y a rien d’insidieux... Ce n’était pas pire que l’Irak…».
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En Ayiti, le test de la réalité imposerait d'«Apprendre à vivre avec les failles», selon le titre de l'article de l'ingénieur, géologue, conseiller technique au Bureau des mines et de l'énergie, Claude Prépetit, publié dans Conjonction, la revue franco-haïtienne de l'Institut français d'Haïti (2011, no 223, Le séisme du 12 janvier en Haïti). «Pour tous ceux-là qui s'étaient penchés sur le sujet avant le 12 janvier, la catastrophe était inévitable lorsqu'on associait la composante de vulnérabilité mal gérée à celle de la menace peu quantifiée pour évaluer le degré de risque sismique en Haïti. C'était la chronique d'une tragédie annoncée à échéance inconnue.»

L'île d'Hispaniola est effectivement située à la jonction de deux plaques tectoniques — la plaque Caraïbe et la plaque Nord-Américaine. Le mouvement de ces plaques serait réparti sur plusieurs failles, dont deux systèmes majeurs connus avant le 12 janvier. Un au Nord, la faille septentrionale et un au Sud, la faille Enriquillo, reliant Pétionville et Tiburon — où le dernier séisme d'importance majeure a eu lieu en 1751. Or, c'est sur la faille de St-Marc, un système encore non répertorié, qu'aurait eu lieu le séisme du 12 janvier 2010... Ce qui laisse entrevoir, si l'on considère l'historique sismique de l'île, qu'un autre tremblement de terre important pourrait survenir.

L'anarchie avec laquelle s'opère la bidonvillisation de Port-au-Prince et des environs est certainement un facteur aggravant du bilan meurtrier du séisme du 12 janvier. Mais toujours selon Claude Prépetit, la menace sismique ne s'est pas pour autant dissipée et «d'autres segments de failles recèlent encore leur potentiel sismique, le Haïtiens devront désormais apprendre à vivre avec les failles».

Pour Laënnec Hurbon, directeur de recherche au CNRS lui aussi publié dans la revue Conjonction, «le caractère dévastateur du séisme du 12 janvier [...] demeure lié à l'incurie traditionnelle dont l'État  haïtien fait preuve depuis au moins un demi-siècle. On sait que par au moins trois fois des scientifiques ont signalé à l'État la possibilité d'un tremblement de terre démesuré: en 1984 (quand les spécialistes américains ont offert de placer une surveillance sismique à travers le pays et ont essuyé un refus catégorique de la part du gouvernement), puis en 1999 à travers le texte de Jocelyn David dans Les problèmes environnementaux de Port-au-Prince, et enfin en 2008 d'après le rapport de l'ingénieur Claude Prépetit.»

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Difficile de pointer un responsable du doigt lorsque la nature parle d'elle-même.  Reste le manque cruel de stratégie dans l'intérêt du bien commun au niveau politique en Ayiti qui profite malheureusement aux grands stratèges d'autres États peu soucieux du bien-être de la population. Et pourquoi ça changerait?

Cette semaine, le président Martelly et l'ancien président américain Bill Clinton posaient la première pierre des 400 «logements sociaux [en]durables» à construire en cent jours dans la localité de Zoranger, dans la commune de Croix-des-Bouquets. Ces logements de 35 mètres carrés — ça c'est 5x7m pour une famille! — doivent servir à loger quelques-uns des centaines de milliers de déplacés vivant actuellement dans les camps de déplacés...

dimanche 15 mai 2011

Chanter un pays

Ça y est. Le peuple ayisien a un nouveau président. Et un président bien à lui, différent des cinquante-cinq autres qui l'ont précédé, si on se fie à Michel Martelly, alias Sweet Micky, alias Tèt kale, qui a parlé de changement — il n'a malheureusement pas inventé la formule — et de reconstruire un pays main dans la main avec le peuple, à qui il promet la sécurité, l'ordre, la justice, la transparence et la bonne gouvernance.

«Je vous ai dit de me faire confiance. Et vous pouvez me faire confiance. [...] Main dans la main, épaule contre épaule, nous allons changer Ayiti, refaire ce pays, lui redonner une image», a-t-il dit lors de son premier discours à la nation livré après son investiture ce samedi, avant de passer une sorte de contrat social avec la population. «Sous ma présidence, l'obligation de l'État sera de servir le peuple ayisien. L'obligation du citoyen sera de remplir son devoir civique : payer ses taxes pour qu'il puisse trouver les services que l'État lui doit.»

Si ce discours peut paraître bancal du point de vue occidental, habitués que nous sommes à ce que l'État soit redevable envers ses citoyens et vice-versa, il marquera bel et bien, s'il se concrétise ici — pays de l'économie informelle, du petit négoce au noir et où l'on vivote dans un chacun pour soi justifié par la faim — le changement. Le défi que compte relever Martelly, qui s'adresse toujours à la foule avec une fougue et une détermination déconcertantes ce qui lui vaut en retour une admiration sans borne et une capacité de mobilisation sans égal, est donc d'une envergure difficile à mesurer.

Celui qui a promis de rendre l'école non seulement gratuite, mais obligatoire — alors qu'un proportion alarmante de la population ne sait ni lire, ni écrire, mais sait assez compter pour se rendre compte que les ressources financières, infrastructurelles et humaines sont insuffisantes pour offrir une éducation de qualité à tous — devra faire face à de nombreuses embûches sur le chemin de la réussite. 

Il devra notamment apprendre à louvoyer sur le terrain politique ayisien, un terrain glissant s'il en est, où s'avalent les couleuvres plus rapidement que ne mettent de temps à fleurir les roses. À ce chapitre, Martelly devra conjuguer avec l'opposition, à qui reviendra entre autres le choix du premier ministre, mais qui pourra également bloquer les idées innovantes du président idéaliste, tantôt au Sénat, tantôt à la Chambre des représentants.

Sur les terrains social et économique, les défis sont d'une ampleur que permet de mesurer la reconstruction du pays qui tarde encore à se manifester alors que des millions de déplacés qui ont tout perdu de ce petit rien qu'ils possédaient vivent encore sous des tentes, à la merci des intempéries et dans la proximité la plus nauséabonde. L'école gratuite et obligatoire peut certes sembler tentante, mais les observateurs ont bien hâte de voir où le nouveau président ira puiser les ressources nécessaires...  Les secteurs environnemental et agricole — ce dernier qui avait connu une rare amélioration avant le séisme de janvier 2010 — voudront également leur part du gâteau. Et on ne parle même pas des infrastructures sanitaires, des routes, du système de transport défaillant et totalement désorganisé, ou encore du manque cruel de travail.

Sur le terrain international, Martelly aura finalement du pain sur la planche s'il désire vraiment changer l'image que renvoie son pays à l'étranger et installer l'ordre, la justice, la sécurité, la transparence et la bonne gouvernance, comme il l'a dit lors de son allocution de samedi. Afin d'attirer les investissements directs étrangers susceptibles de contribuer au développement de son pays, Martelly devra aussi voir aux contraintes administratives et tarifaires qui contribuent pour l'instant à désenchanter tout entrepreneur désireux de venir mener des affaires dans la perle des Antilles. Finalement, Tèt kale aura à tenir tête, justement, à d'innombrables pressions quant à l'administration de l'aide internationale et des milliards promis à Ayiti pour la reconstruction, une bonne partie desquels se fait toujours attendre...

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Si Sweet Michel a porté des lunettes roses tout au long de la campagne et depuis sa consécration, le vrai travail commence maintenant. Et le peuple espère qu'il durera plus longtemps que mettent les roses à faner. «Ayiti nou pat vle wè-a» (l'Ayiti que vous ne voulez pas voir), a lancé Martelly, sur un air évangélique connu de tous, au terme de son discours. Et la foule de lui répondre en coeur : «Se sa nou pral wè!» (C'est ce que vous allez voir!)

C'est ce que nous allons voir, oui.

lundi 4 avril 2011

La ville en rose

AP Photo/Ramon Espinosa
Je suis probablement la dernière à l'annoncer! Michel Martelly, 50 ans, toutes ses dents (non, j'ai pas vérifié), et une garde-robe dominée par le rose, sera le prochain président de la Repiblik Ayiti. Les médias internationaux — Miami Herald, The New York Times, Le Monde, El País, pour ne nommer que ceux-là —, alimentés par une dépêche de Reuters nourrie par une fuite anonyme au sein du Conseil électoral provisoire (CEP), ont même devancé l'annonce des résultats officiels au pays.

Nos médias nationaux ont également retransmis la nouvelle au conditionnel, avant que le représentant officiel du CEP n'énumère tous les députés, sénateurs et le président élus. Est-ce que c'est parce qu'elle a financé une bonne partie de ces élections que la communauté internationale se récompense par le scoop, l'exclusivité — qui par mimétisme n'en sont même plus? Qu'est-ce qui pressait tant que ça dans cette annonce? Quand il y en a un qui parle, ils se mettent tous à jacasser... Comme un Twitter formel! Cela donne cependant une idée de la marge de manoeuvre réelle du futur président, dont l'entrée en fonction est prévue pour le 14 mai — je ne sais pas si René Préval est au courant, mais sur Wikipedia, «Sweet Micky» est déjà président!

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À la minute où le porte-parole officiel du CEP a terminé sa phrase — quelque chose comme : Michel Martelly, Repons Peyizan, 67,57% des votes, Mirlande Hippolyte Manigat, RDNP 31,74 % des voix — les portauprinciens ont pris d'assaut les rues, pour crier victoire et prendre le pouls de la vibrante capitale. Cris de joie, klaxons, affichettes de Martelly, Prestige à la main, ils sont sortis avec leur large sourire, leurs slogans et leurs chansons. Les plus zélés ont même tiré dans les airs. Pendant au moins trois minutes, les manifestations sonores de la foule en liesse ont été ininterrompues dans toute la ville..

Et elles se poursuivent actuellement par secteurs. Les partisans, en majorité des jeunes hommes, après avoir lancé quelques feux d'artifice, ont entrepris d'aller rencontrer le futur président jusqu'à sa résidence de Peguy-Ville. Ils sont partis de Pétion-Ville, même du Champ-de-Mars (où se trouve le Palais national écrasé sur lui-même, juste devant un énorme camp de tentes), comme un essaim d'abeilles, pour aller témoigner leur soutien et surtout leur joie à LEUR président. La distance ne compte pas quand il est temps de prouver son amour en rose!

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Télé Métropole rapportait en soirée qu'il y a eu quelques incidents isolés impliquant des gaz lacrymogènes. Le candidat défait de Pétion-Ville, Dieudonné L'Hérisson, s'est également plaint de ce que son bureau de campagne ait été la cible de jets de pierres, de coups de feu et de bris matériels. L'ambiance est cependant généralement bon enfant pour l'instant, et s'étend à tout le pays. Rien de comparable avec ce qui avait été imaginé de pire dans le scénario d'une Mirlande Manigat sortie gagnante... 

Frederick Alexis, Le Nouvelliste
Selon les rumeurs, le caoutchouc aurait alors brûlé d'un bout à l'autre du pays. Les commerces de Pétion-Ville s'étaient barricadés par précaution, les gens avaient fait des provisions pour quelques jours et les casques bleus des Nations unies, la Police nationale d'Haïti et consorts étaient prêts à agir.

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La rue et la jeunesse ont maintenant leur président. Reste à voir si l'ancien chanteur de charme, qui a mené campagne sur le rejet de la classe intellectuelle habituée au pouvoir, saura renoncer aux tentations et au privilèges pour travailler directement dans l'intérêt de son électorat. Nul besoin de rappeler que les défis sont considérables et que Martelly ne pourra y arriver seul, contrairement à ce qu'il disait hier, un brin mégalomane, sur son site web après l'annonce de sa victoire : «Ce ne sera pas facile mais avoir un leader qui est aimé, adulé, en qui le peuple a confiance, ça aidera déjà beaucoup.» Voilà qui commence bien..

mardi 22 mars 2011

Rectifier le tir

Wyclef ne s'est pas fait tirer dessus à la veille des élections! La police, à qui il a lui-même refusé tout témoignage, a fait son boulot — on peut la féliciter! — et est allée interroger le médecin qui a pansé les blessures du rapper-wannabe-president-en-attendant-j'appuie-le-clan-Martelly..

L'éraflure de Wyclef à la main droite aurait plutôt été causée par des éclats de verre.. Ça résume à peu près là où je voulais en venir à propos de la vérité en Ayiti — et dans beaucoup d'autres lieux, qu'on se le dise.. Quand la rumeur est à son avantage, pourquoi s'empresser de la démentir?

Pour davantage de détails sur la relation houleuse de Wyclef Jean avec la vérité, il faut lire l'entrée du New-Yorkais Village Voice sur la question. La photo de Wyclef qui «souffre» sous observation à l'hôpital démontre par ailleurs jusqu'où peuvent aller les choses.. Je me permets de la reproduire.

Manipulation médiatique à la veille des élections? Mauvaise volonté? Erreur journalistique? Je vous laisse le soin de juger, toute vérité n'étant pas bonne à dire, à voir, ou à entendre, selon le point de vue...

La première fois: montre-moi ton pouce..

Les «observateurs électoraux» observent, Croix-des-Bouquets.
C'est ma première fois. Oui, oui, ma première fois. Enfin, qu'on se comprenne, la première fois que j'ai la chance d'observer un processus électoral dans un autre pays que le mien — enfin, les miens, mais c'est une histoire compliquée que celle du Québec dans le Canada et ce n'est pas ce dont il est question ici... (pour une fois)!

Le processus électoral, depuis un mois que je suis en Ayiti — mais depuis bien plus longtemps avant mon arrivée — domine les bulletins de nouvelles, les conversations et alimente la rumeur amplement.  L'ancien président et mari de Mirlande Manigat, Leslie Manigat, a ainsi été considéré comme malade/à l'article de la mort/mort jusqu'à ce qu'il se présente aux urnes dimanche. Le fantôme de Jean-Bertrand Aristide est arrivé en Ayiti bien avant lui. Et Wyclef Jean s'est bien fait tirer dessus, mais il n'aurait qu'une petite éraflure à la main droite et le mystère demeure[ra] entier quant à qui a bien pu perpétrer une chose pareille, le principal intéressé ayant refusé tout témoignage — à la police, entre autres...

Normal, ici, du quotidien. On apprend en très bas âge à laisser planer le doute à son avantage ou à s'exprimer haut et fort sur les bonnes tribunes en guise de démenti.

C'est aussi un pays où l'on ne cause jamais température puisqu'il fait toujours beau. On ne cause pas non plus de la misère, puisqu'on les vit et qu'on la voit sans qu'on ne la vote jamais, à tous les coins de rue. Alors il faut bien trouver de quoi alimenter les conversations de tous les jours...

Tout ça pour dire que tous les Ayisiens, processus électoral en cours ou non, ont une opinion sur la chose politique. Des analyses fines aux raccourcis les plus abjects, tous les styles sont représentés dans le spectre de l'opinion publique. Brandissez un micro dans la rue ou baladez-vous avec une caméra-photo moyennement sophistiquée et l'on vous arrêtera pour vous demander: «Ou jounalis?», le prends-moi en photo dans les yeux et la langue qui n'attend que le point d'interrogation pour se délier (on reste poli, tout de même!). Au chapitre de la faconde, les Ayisiens sont en fait plutôt doués, un grand nombre d'entre eux étant des tribuns assez captivants.


Mais malgré le fait que tous les Ayisiens aient une idée arrêtée sur la chose et qu'ils soient capables de l'exprimer de façon assez claire et imagée, avec juste ce qu'il faut d'intensité pour être considérés comme de bons orateurs, ce qui demeure pour moi difficile à comprendre, c'est le calme plat qui a caractérisé la journée historique du dimanche 20 mars. Pratiquement aucune voiture dans les rues alors que les embouteillages et les klaxons sont la norme. Des gens tirés du lit très tôt — et à quatre épingles s'il-vous-plaît — pour aller à l'Église plutôt que pour exercer leur droit civique. Bien sûr, il y avait bien quelques fidèles pour se rendre aux urnes. Mais pas d'embouteillage de ce côté non plus: en cinq minutes, dans les bureaux où le matériel ne faisait pas défaut et où le processus n'a ainsi pas été retardé (il faut dire que certains bureaux n'ont ouvert que trois à quatre heures après les 6h AM prévues), on pouvait apposer une croix dans la case de son choix. Et le Conseil électoral provisoire s'est même enorgueilli, sans avancer de chiffres précis, de ce que les citoyens aient exercé leur droit de vote de façon plus marquée qu'au premier tour de novembre qui avait enregistré un anémique taux de participation de 22,87% — premier tour caractérisé par beaucoup plus de turbulence, toutefois.
Le pouce de Mika, après qu'elle eût déposé son bulletin de vote.


Bref, chien qui aboie ne mord pas tellement fort en Ayiti. Et bien que rien ne soit encore définitif, ce n'est pas la caravane qui est partie pour passer...

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Voilà pourquoi j'ai demandé à tout le monde aujourd'hui de me montrer son pouce, marqué ou non de l'encre indélébile qui sert à éviter qu'on aille voter deux fois — ce que certains ont tout de même réussi à faire, semble-t-il. Montre-moi ton pouce, je te dirai qui tu es...

jeudi 17 mars 2011

Le vacarme électoral

Une baderole de la Fondation Aristide pour la démocratie (sic!)...
Si le ton du deuxième tour de la présidentielle ayisienne n'a pas cessé d'augmenter depuis le houleux débat entre les deux candidats mercredi dernier, l'annonce du retour d'exil imminent de Jean-Bertrand Aristide pourrait bien contribuer à installer un climat encore plus tendu d'ici à dimanche, jour du scrutin. De quoi dissuader les 4,7 millions d'électeurs de se présenter aux urnes...

«Titide» a quitté l'Afrique du Sud hier — en jet privé, avec sa femme ses deux filles et... l'acteur Danny Glover (La couleur propre, L'arme fatale et Quoi encore?! (un film que je suis en train de réaliser!)) —, ignorant les réticences exprimées haut et fort par les États-Unis et la France, et plus bas par une foule d'autres membres de la communauté internationale. Deux jours avant le scrutin, donc, comme pour jeter de l'huile sur le feu d'un weekend qui s'annonçait déjà chaud. 

«Le grand jour est arrivé», a déclaré Aristide [en zoulou et en grand populiste] devant des journalistes, remerciant le gouvernement sud-africain, le président Jacob Zuma, l'ex-président Thabo Mbeki, «notre cher Madiba» (Nelson Mandela) et ses «frères et soeurs d'Afrique du Sud»... (Le Nouvelliste)

Le grand jour, oui. Comme si personne n'attendait les élections — le petit jour, par opposition?! Aristide dit ne pas vouloir intervenir dans le processus électoral et compte plutôt se consacrer à des tâches éducatives (il est docteur en langues africaines et enseignait depuis son exil à l'Université de Pretoria)... «Ma priorité, c'est d'investir dans l'humain et l'éducation»...

Aristide n'a actuellement appuyé publiquement aucun des deux candidats. Son avocat, a par ailleurs indiqué que ce dernier souhaitait se déplacer vers Ayiti avant les élections, de peur que l'éventuel élu tente d'empêcher ce retour attendu depuis sept ans par le prêtre et apôtre de la «théologie de la libération»... Son passeport diplomatique est par ailleurs émis depuis février.

Le Nouvelliste, 16 mars 2011
Le parti Fanmi Lavalas (l'avalanche, en créole, famille l'avalanche, en fait) déploie actuellement la machine pour accueillir «dignement» l'ancien président renversé par un soulèvement de l'armée et par des pressions américaines et françaises en 2004. La porte-parole du parti, Maryse Narcisse (est-ce qu'on peut considérer ce nom comme une blague, considérant le culte de la personnalité dont fait l'objet Aristide?!), est présente sur toutes les tribunes et a ardemment travaillé, avec son équipe, pour parsemer la route entre l'aéroport et la résidence d'Aristide — fraîchement repeinte en rose, la couleur de Martelly — de banderoles souhaitant bon retour à l'ex..

«Enfin, les carottes sont cuites, demain (vendredi) 8H00 dites le à tout le monde, à l'aéroport nous allons attendre le président TITID dans la solidarité», dit un tract en créole du parti... Un article du Nouvelliste qui vient de tomber prévoit l'arrivée de l'avion en provenance de Dakar pour les 10h du matin, heure locale... Ça va remuer demain à Portoprens!

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Les deux candidats à la présidentielle ont par ailleurs durci le ton de la campagne au cours de cette semaine, multipliant de part et d'autre les attaques contre l'autre clan, même s'ils se sont tous deux dits d'accord avec le retour au bercail d'Aristide pour autant que ce dernier n'intervienne pas dans la campagne. Les deux candidats ont également incité les partisans à investir les rues pour manifester leur appui à leur clan dès le lendemain du vote, et ce, en violation avec les articles 122.2 et 122.3 de la loi électorale interdisant formellement toute manifestations de rue en faveur d'un candidat jusqu'à la publication des résultats définitifs des élections. Le Conseil électoral provisoire (CEP) a par ailleurs rappelé que selon l'article 194 de la loi électorale : « Est puni d'une amende de cinq mille (5 000) à vingt cinq mille (25 000) gourdes et d'un emprisonnement de dix (10) à vingt (20) jours le fait de détruire les affiches de photos, de placards publicitaires relatifs à la propagande électorale » (Le Nouvelliste)

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Élections en vrac

-Jeudi, Martelly est allé courtiser les catholiques, les invitant à se recueillir dans la prière... juste avant de donner un concert aux accents hip hop et à la saveur locale aux Champs-de-Mars (parsemés de tentes depuix le séisme, faut-il le rappeler) avec pour invités RockFam, T-Vice, Ram, Black Alex, Shabba et nul autre que Wyclef Jean. (HPN)

-Le rapper américain Busta Rhymes, pourtant né à New York de parents d'origine jamaïcaine, saute aussi dans la mêlée et soutient le candidat Martelly... en participant au susmentionné concert aux Champs-de-Mars. (HPN)

-Martelly s'est par ailleurs fait lancer des roches et des bouteilles à Cité Soleil aujourd'hui.. (HPN)

-Un meeting de Manigat a été interrompu par des coups de feu tirés par des partisans de son adversaire ce mardi à Mirebalais, ce qui a fait sortir l'ex-première dame de ses gonds et l'a incité à décocher quelques flèches à l'endroit de son adversaire.. Martelly soutient que ces incidents sont le faits d'éléments désorganisés et qu'il n'est pas derrière ces violences. Des arrestations ont eu lieu.

-Manigat a finalement éprouvé plus de peur que de mal alors que son estrade s'est effondrée avant qu'elle ne commence un discours à l'occasion de sa tournée dans l'Artibonite à Liancourt mercredi... (HPN) Clôturant cette tournée du département à St-Marc, elle a déclaré la même soirée: «J’ai mal à l’épaule mais heureusement elle ne s’est pas brisée. Cela ne peut pas nous arrêter, nous tenions à honorer ce rendez-vous. Votre maman n’est pas au top de sa forme, mais elle n’a pas d’handicap.» (HPN)

-La campagne se termine officiellement vendredi soir à minuit, soit un peu plus d'une journée avant l'ouverture des bureaux de vote.

dimanche 13 mars 2011

Patrick Lagacé dans Le Nouvelliste

Le Nouvelliste, le vendredi 11 mars.
La chronique de Patrick Lagacé du jeudi 10 mars (Mirlande Manigat en tourisme électoral) a été reprise dès le lendemain en page 4 du Nouvelliste, journal publié à Port-au-Prince depuis 1898 — d'abord sous le nom Le Matin. 

Le texte porte sur la visite de la candidate à la présidentielle à Montréal la semaine dernière. Lagacé y exprime son incompréhension de la politique ayisienne et du comportement de Mirlande Manigat dans le dernier droit de la campagne qui l'oppose à Michel Martelly — la diaspora, aussi influente soit-elle n'a pas le droit de vote. L'ancienne première dame a donc non seulement profité de l'occasion pour courtiser les Ayisiens installés à Montréal et en Floride et leur dire qu'ils devraient avoir le droit de voter, à l'instar des Français ou des Canadiens hors pays, mais elle est également allée jaser financement avec des bonzes de l'industrie présents en Ayiti et soucieux de marquer des points dans la game de l'image.. International business, quand tu nous tiens.. 

En imaginant tel comportement répliqué au Québec («Imaginez une seconde que Pauline Marois, à deux semaines d'un scrutin, décide d'aller à Paris pour parler aux Québécois qui s'y trouvent. Imaginez qu'elle trouve le temps, disons, d'aller manger à la Tour d'argent avec des capitaines d'industrie français», écrit-il), Lagacé, qui a visité Ayiti à plusieurs reprises, tombe littéralement de sa chaise... Il est vrai que le tollé provoqué par l'hypothétique mimétisme comportemental de Miss Marois, qui a soit dit en passant quelques points en commun avec Mme Manigat, l'image bourgeoise difficile à faire avaler au peuple, notamment, serait grand. Mais il est quelque peu naïf de penser que les tractations de couloir n'ont pas lieu et pas d'influence dans le processus électoral québécois — le désintéressement citoyen et quelques commissions d'enquête ayant récemment prouvé le contraire.  C'est vrai, les choses s'opèrent chez nous à d'autres niveaux, loin d'être comparables, mais la trame  demeure la même. Quelqu'un a-t-il accès aux registres téléphoniques des chefs de parti qui font campagne au Québec? C'est peut-être les notions d'ombre — et de nombre, les Québécois hors-Québec n'ayant pas le même poids, même s'ils sont en moyenne plus lourds! — qui est culturellement différente. Et la manière de procéder...

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Fait cocasse, en terminant, et histoire de boucler la boucle sur la publication du texte de Patrick Lagacé dans Le Nouvelliste. Les références au texte d'André Noël sur la politique municipale et l'octroi de contrats d'asphaltage dans différents arrondissements, publié dans la même édition du quotidien de la rue St-Jacques en page A14, ont été conservées! Idem pour la flèche lancée à la Ligue nationale de hockey pour son inaction dans le dossier Chara/Pacioretty..  Le jour où les Portauprinciens cesseront d'être indifférents aux nids d'autruche qui garnissent leurs routes quand celles-ci sont pavées, et qu'ils joueront au hockey de surcroît, faites-moi signe, quelqu'un!!

jeudi 10 mars 2011

À cheval nez à nez, on commence à regarder la BRIDES!

Photo: Haïti Libre
Un nouveau sondage publié ce matin (mercredi) par le Bureau de recherche en informatique et en développement économique et social (BRIDES) plaçait les poulains Martelly et Manigat pratiquement nez à nez, le premier devançant l'ancienne première dame d'un peu plus de 4%, à 50,8% contre 46,2%, sur un échantillon de 6000 personnes sondées à travers le pays du 3 au 6 mars. La table était donc mise pour un débat chevaleresque, enregistré cet après-midi à l'hôtel Karibe et retransmis sur les chaînes télé et radio du pays en soirée.

Si les candidats ont profité de l'occasion pour dénoncer les violences qui ont teintées la campagne, particulièrement dans les derniers jours — trois hommes qui collaient des affiches de Manigat ont été retrouvés morts mardi matin, et Martelly, visiblement touché par l'évènement, s'en est également pris aux comportements agressifs observés en cours de campagne, dénonçant les formes de «dénigrement» dont il se dit victime — l'ambiance n'a cependant pas été bon enfant tout au long de la joute oratoire. 

Martelly a notamment appelé l'électorat à « choisir entre un système vieux de 30 ans, et le changement qu’il représente», se définissant comme le candidat de «l'honnêteté», de la «vérité» et de la «force», associant par le fait même son adversaire au pouvoir en place. Le message de cette dernière était quant à lui davantage orienté vers le rassemblement et la nécessité pour les Ayisiens de travailler ensemble. «Il ne faut pas oublier que nous sommes tous Ayisiens, que nous sommes capables d'aller de l'avant», a-t-elle déclaré en guise de conclusion, rappelant que sa première préoccupation résidait dans la nécessité d'enregistrer un taux de participation plus important que celui du premier tour — un anémique 22,87%. «Les problèmes étaient là avant le tremblement de terre, mais se sont agravés. Nous devons utiliser nos compétences, faire preuve d'engagement.»

Voilà pour les grandes lignes en ce qui a trait au fond — les candidats se sont bien exprimés sur des questions plus précises, mais j'y reviendrai. Pour l'instant, mwen gen fatig..

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Pour ce qui est de la forme, il vaut la peine de noter quelques remarques. Disons-le d'emblée, Manigat est apparue, comme depuis le début de la campagne, beaucoup plus posée et en maîtrise de ses moyens que Martelly. Elle a su garder son calme alors que Martelly pianotait constamment sur son bureau et s'adressait directement à la foule malgré les avertissements de la modératrice qui l'enjoignait de répondre aux question des journalistes désignés pour relancer la joute. L'exercice a rapidement pris une tournure un peu désordonnée, les deux candidats se coupant mutuellement la parole et se laissant aller à des attaques personnelles..

Ironiquement, alors qu'il dénonçait pourtant l'agressivité de la campagne d'entrée de jeu, Martelly a adopté un ton plutôt agressif et pourfendeur tout au long du débat, tandis que Manigat rejetait ses attaques avec un brin de condescendance et un sourire évoquant le «tu-n'as-rien-compris-mon-p'tit»— ce qui ne devrait contribuer à l'édifice ni de l'un, ni de l'autre..

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Le clou de la soirée — et par le fait même le début de la débandade — est survenu à peine 30 minutes après le début des échanges alors qu'un journaliste, reprenant une histoire du Miami Herald publiée dimanche, questionnait Martelly sur ses déboires financiers reliés à la mauvaise gestion trois propriétés (rien de moins) aux États-Unis. «Je ne suis pas responsable de mes investissements, si vous voulez, je vous mets en contact avec Natacha Magloire, my real estate agent.»

[...]
Est-il né celui qui va un jour être en mesure de gouverner ce pays ET de rejoindre le peuple?