Martelly et «Titid», après une rencontre de 4h à la résidence de l'«ex» |
Le président Martelly effectue ces derniers jours, tout sourire et «tèt kale», une tournée des anciens dirigeants du pays à l'occasion, dit-il, de la «semaine de la réconciliation nationale». Parmi les huit «ex» encore vivants et résidant au pays, deux noms retiennent incongrument l'attention : Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier et Jean-Bertrand Aristide, tous deux rentrés d'exil cette année.
Le premier est revenu en Ayiti un an et quelques jours après le séisme du 12 janvier 2010, profitant de la horde de journalistes internationaux venus dans l'île pour briser 25 ans d'exil forcé en France. Des poursuites judiciaires pour détournement de fonds et violation des droits de la personne ont été déposées contre lui peu après son retour. Ces poursuites, qui le contraignent théoriquement à résidence, n'entachent toutefois [et étrangement] pas trop sa popularité. Des manifestants — qu'on peut facilement imaginer avoir été encouragés par d'autres incitatifs — et les avocats qui le représentent, sont récemment venus perturber la conférence de presse organisée pour la diffusion du rapport «On ne peut pas tuer la vérité», d'Amnesty International.
«Titid», quant à lui, est rentré d'un séjour forcé de sept ans en Afrique du Sud, deux jours avant le deuxième tour des élections du 20 mars dernier. Il avait été renversé par un coup d'État [auquel aurait été affilié Michel Martelly, alors roi du carnaval] une première fois en 1991, puis une deuxième et [alors] définitive fois en 2004, à la faveur d'une rébellion d'anciens membres de l'armée. Discret depuis son retour au pays, il vient toutefois d'inaugurer la réouverture de l'Université de la Fondation Aristide, fermée lors de son départ forcé en 2004, avec l'admission d'une cohorte de 126 étudiants en faculté de médecine — non encore reconnue par l'État haïtien. Plusieurs analystes estiment que l'ancien leader, et «secrétaire général à vie» du parti Lavalas, attend le dégonflement du phénomène Martelly avant d'effectuer un retour à l'avant-scène politique — peut-être à l'occasion des élections sénatoriales de novembre...
«Je souhaite que les leaders anciens et actuels puissent s’unir en vue
de travailler au progrès d’Haïti», a martelé Martelly à Radio Kiskeya, lors d'une visite à la résidence de Prosper Avril (président dans l'intervalle 1988-1990), dont il a salué le passage à la tête
de l’État et les longues années passées au service de l’armée. Le chef d'État doit également rencontrer les «ex» René Préval (1996-2001 et 2006-2011), [le mari de la rivale de Martelly aux dernières élections, Mirlande Manigat] Leslie Manigat (fév-juin 1988) et Boniface Alexandre (chef du gouvernement intérimaire de 2004-2006).
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Martelly et Duvalier. À gauche, Nico Duvalier, le fils de «Baby Doc» et consultant du président. Photo: AP |
Reste tout de même le message confus et contradictoire qu'envoie cette opération de relations publiques : comment un président qui a jusqu'à maintenant fondé sa stratégie — comme bon nombre de politiciens — sur l'avenir et sur le changement peut-il invoquer les fantômes d'un passé trouble et douloureux pour faire avancer le pays? Tout ça alors que le premier ministre désigné se débat comme un diable dans l'eau bénite avec les élus actuels pour pouvoir former son saint gouvernement?
Il faudrait peut-être quelqu'un pour rappeler au numéro un de l'État ayisien — ou de ce qu'il en reste — que sa «semaine de la réconciliation nationale» a commencé ce lundi par la Journée internationale de la santé mentale...