samedi 12 novembre 2011

Pourquoi pas Haïti?

Dany Laferrière (Photo : Le Matin)
Le Festival du film québécois en Haïti bat actuellement son plein à Port-au-Prince. Quatre jours de projections, de causeries et… de Dany Laferrière, à qui est dédiée cette deuxième édition du festival organisé par la Fondation Fabienne Colas.

Laferrière, ses films et ses oeuvres qui ont nourri plusieurs longs métrages sont à l’honneur. On pourra voir Le goût des jeunes filles, Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, Vers le Sud, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, ainsi que La dérive douce d’un enfant de Petit-Goâve, portrait documentaire de l’auteur réalisé par le cinéaste et photographe Pedro Ruiz. L’auteur est aussi venu faire la lecture de son livre pour enfants Je suis fou de Vava aux tout-petits et la promotion de son dernier bouquin, L’art presque perdu de ne rien faire. Dans l’intervalle, on a l’impression que c’est Port-au-Prince qui respire au rythme de Laferrière, alors que l’inverse émane de tous ses livres. L’auteur est partout : à la télé, à la radio, dans les journaux. Tout le monde veut son petit bout du prix Médicis 2009 et de la dernière mouture du dictionnaire Larousse…

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Il était là, hier, à l’Institut français, pour la projection de Pourquoi pas Haïti?, un documentaire de Réal Barnabé, ancien journaliste à Radio-Canada. Le reportage, originalement diffusé sur RDI à l’émission Les grands reportages, est le miroir de Pourquoi Haïti?, réalisé cinquante ans plus tôt par la célèbre journaliste québécoise Judith Jasmin.

Le journaliste et vice-président de la Fondation Fabienne Colas, un amoureux d’Ayiti qui a séjourné dans l’île des dizaines de fois depuis les années 1970 et qui y dirige aujourd’hui Enfòmasyon Nou Dwe Konnen (News you can use) — un projet d’Internews qui diffuse quotidiennement vingt minutes d’informations en créole sur plusieurs chaînes de radio locales — pose à travers ce documentaire affecté la question suivante : qu’est-ce qui a changé dans la situation des Ayisiens en cinquante ans?

Intégrant des images du reportage original et interrogeant les protagonistes rencontrés par Judith Jasmin en 1959 — dont les intellectuels Mirlande Hippolyte-Manigat, constitutionnaliste, enseignante et candidate défaite aux élections présidentielles de 2010 et son mari Leslie Manigat, historien et ancien président de la République renversé par un coup d’État en 1988 —, Réal Barnabé fait le triste et évident constat que les conditions de vie ne se sont guère améliorées depuis le temps. Qu’elles se sont probablement même détériorées avec les chocs engendrés par la mondialisation économique et la turbulence politique d’une part, mais aussi, évidemment, avec le séisme dévastateur du 12 janvier…

Le réalisateur a cependant eu la bonne idée d’entrecouper les témoignages touchants et désespérés des Ayisiens de la rue — des marchandes qui font commerce quotidien pour un petit rien, de jeunes chômeurs qui jouent aux dominos à longueur de journée, des enfants qui font l’école buissonnière pour aider leurs parents à joindre les deux bouts — avec ceux d’idéalistes de la jeune génération, pleins de projets ambitieux et de rêves pour leur pays, laissant filtrer un peu de lumière dans ce film et ce pays aux contours de désespoir.

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La projection était d’ailleurs suivie d’une table ronde sous le thème «Rester en Haïti pour contribuer à son développement». Le réalisateur, les jeunes interviewés dans le documentaire et le représentant de Droits et démocratie en Haïti ont répondu aux questions du public.. et de Dany Laferrière.

Malheureusement, les questions — surtout des commentaires en fait, dans une habitude bien ayisienne d’avoir une opinion critique et des positions bien campées sur tout — ont surtout porté sur le film, écartant le débat de ce qu’il était sensé être. Pourquoi tel ou tel choix éditorial? Je ne suis pas d’accord avec la façon de représenter tel ou tel aspect de la réalité ayisienne. Pourquoi on ne voit pas la classe moyenne — la question de Dany Laferrière, qui s’en est allé avant même d’obtenir la réponse…? Il aurait fallu parler plus de l’implication de la communauté internationale. Je pense que. Je ne suis pas d’accord avec. Se pa fot mwen. Bla bla bla…

Une intervention proposée par un jeune ingénieur qu’on voit dans le film m’a remis sur la route de l’espoir. Il a dit quelque chose qui sonnait comme : il faudrait être capables de réfléchir ensemble sur ce que l’on veut pour ce pays, établir des bases communes pour aller de l’avant, agir. Tèt ansanm. Une pensée collectiviste. C’est de ça que ce pays aux intérêts individuels a le plus besoin… Merci jeune homme.

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